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« La Nuit venue » : Une virée nocturne dans le Paris des exploités

« La Nuit venue » : Une virée nocturne dans le Paris des exploités

Simon Gomis

Premier long-métrage de Frédéric Farrucci, La Nuit Venue se propose comme une virée nocturne dans les rues de Paris. À travers le pare-brise notre protagoniste chauffeur VTC, on est témoin de ce qu’est Paris aujourd’hui : une capitale festive et éclatante où les communautés se croisent sans se confondre.

Jin est un ancien DJ exilé de Chine. Ce jeune immigré sans papier est endetté auprès de la mafia chinoise qui l’a fait venir en France. La nuit venue, il travaille comme chauffeur VTC pour payer sa dette. Pendant une course, il rencontre Naomi, une escort-girl interprétée par Camélia Jordana. Impressionnée par sa droiture, elle lui propose de devenir son chauffeur personnel. Très vite, la relation se complexifie quand Jin tombe amoureux de la légèreté de Naomi, et qu’elle s’éprend de l’artiste caché derrière le chauffeur.

Frédéric Farrucci avait pour référence visuelle principale Taxi Driver de Martin Scorsese, précisément pour le travail sur la nuit noire percée de néons qu’il a effectué sur La Nuit venue

Une France belle, métissée et chargée de son passé

Porté par la musique de Rone, le film commence comme une errance à travers le Paris des exploités : Jin n’a qu’à suivre bêtement son GPS qui le conduit de clients en clients. Le seul plaisir dans son travail vient de son regard d’artiste, en voyant ce que les autres ne voient pas, ce que nous-mêmes, parisiens, avons tendance à occulter. Il y a ces vendeurs de roses qui ne sont pas indépendants, mais débarqués depuis l’arrière d’un camion avant d’aller faire leur tournée, ou encore ces vendeurs de Tour Eiffel à qui l’on refuse la nationalité française.

Après la rencontre avec Naomi, le film prend une toute autre tournure : Jin n’accepte plus son exploitation, il s’en éprend et fuit la mafia. Le film noir peut commencer. Certains y verront un cliché, mais La Nuit Venue assume son genre et transforme les codes filmiques américains des années 50 en nous offrant un regard sur la France d’aujourd’hui : belle, métissée et chargée de son passé.

Le scénariste Nicolas Journet avait tout d’abord enquêté sur le métier de strip-teaseuse et découvert que beaucoup d’entre elles sont également call-girls et qu’elles ont toutes un chauffeur régulier

Une vision profonde et documentée

Quant au personnage de Naomi, il peut sembler enfermé dans son archétype de femme fatale, mais elle est aussi une apparition de la nuit qui vient sortir le protagoniste de son devoir. Heureusement, le film arrive à retomber sur ses pattes et nous offre quelques scènes de dialogues qui lui font marquer plusieurs points au test de Bechdel. La performance de Camélia Jordana reste quant à elle très intéressante, dans un rôle d’escort-girl qui n’est pas vulgaire et affirme sa force en menant les conversations. L’écriture et le jeu ne la cloisonnent pas dans le simple rôle de petite amie, et on vient à s’en demander si elle aime Jin, ou si elle joue le jeu de l’escort-girl qui mène notre chauffeur par le bout du nez.

La Nuit Venue est un beau premier film, un de ceux qui promettent. Le cinéma de genre et d’auteur peuvent aujourd’hui se mêler et Frédéric Farrucci arrive à équilibrer son film noir et ses thématiques d’intégration sociale. Car outre le contraste classique entre la liberté et la contrainte, c’est surtout la question du métissage qui intéresse Farrucci. Définitivement, la nuit parvient à illuminer son cinéma.

LA NUIT VENUE
Réalisé par Frédéric Farrucci
Avec Guang Huo, Camélia Jordana
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