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You Man : Entretien avec les deux prodiges lillois de la dark disco

You Man : Entretien avec les deux prodiges lillois de la dark disco

Arthur Glasender

Des passionnés qui prennent plaisir à partager, c’est la vraie passion, et ça rend passionnant. À l’occasion de la sortie de leur dernier EP Altered States, le duo lillois You Man nous a parlé états modifiés de conscience, dancefloor interactif et Covid-19.

Arthur : Pour ceux qui ne vous connaîtraient pas encore, dans quel univers musical évolue You Man ?

You Man : Pas mal de gens nous situent dans la dark disco, ce qui nous plaît bien. Mais il faut dire qu’on ne se pose pas trop de question. Quand on compose des tracks, on fait juste de la musique tous les deux, et on voit où notre inspiration nous mène. Nous sommes influencés depuis longtemps par la musique anglaise, du son pop indé de la team de Damon Albarn à des projets totalement électro comme les Chemical Brothers.

A.  Vous avez l’air de fonctionner en parfaite harmonie. Quel est votre processus dans l’exploration et la composition d’un morceau ?

YM. Nous sommes tous les deux guitaristes et pianistes, et très souvent quand on cherche quelque chose de nouveau, on laisse tourner une boucle, et on joue dessus parfois pendant 2 heures, jusqu’à ce qu’on ait l’impression de s’être endormis. Puis on se « réveille », en ayant conscience de cet état de transe dans lequel on s’est retrouvés tous les deux. Là on commence à faire des prises son.

Nous aimons beaucoup cultiver cette forme de naïveté. C’est comme être dans deux états opposés en même temps, réveillés et endormis, comme l’intrication en physique quantique. En ce qui concerne le background du projet, il n’est pas vraiment calculé, mais il s’inspire directement de nos activités : pour Giac c’est l’hypnose et les états modifiés de conscience, et pour moi (Tepat), c’est la conception d’univers virtuels. Tout cela est très connecté. Au fond, l’imaginaire et l’image sont les deux versants de notre monde intime, de notre univers intérieur.

A. L’EP est un voyage à travers différents styles de musique électronique. Quelles sont les nuances de chaque morceau ?

YM. Altered States pose l’intention générale de l’EP. Il concerne les états modifiés de conscience, et plus particulièrement la transe. C’est pour cela qu’on a utilisé cette voix si spéciale appelé Konnakol, une technique de chant percussif du sud de l’Inde, qui induit de puissant états de transe dans ces peuples. La transe est une façon métaphorique de voyager dans d’autres dimensions de l’existence. Nous avançons tous dans ce Monde avec un voile de croyances devant les yeux, et qui conditionne notre réalité. Chacun la sienne. C’est ce qu’on voulait exprimer avec le titre The Veil.

Pour le titre Non Sense, on voulait exprimer justement le fait qu’il n’existe pas de vérité absolue, pas de sens en tant que tel qu’on pourrait plaquer sur les choses. Les événements qui surviennent n’ont de sens que parce qu’on leur en attribue un, à tout prix.

Quant à Mind Ballad, on a voulu se faire plaisir et faire plaisir à l’auditeur en expérimentant un track très hypnotique croisé justement avec un script d’hypnose (la voix du morceau) qu’on a travaillé directement en fonction de ma pratique à l’hôpital. La voix est faite pour que l’auditeur ressorte de l’écoute avec un peu plus de confiance en lui, et un peu plus de ressources pour traverser les aléas de sa vie.

A. Est-ce qu’Altered States annonce un nouvel album ?

YM. On a pas mal de projets excitants sur le feu en ce moment. On travaille beaucoup : remixes, singles, EP, et un second album en cours. On travaille aussi sur notre projet de dancefloor interactif avec des capteurs de mouvement, qu’on a déjà utilisé en tant que scénographie.

A. Quelles ont été vos plus belles découvertes musicales de l’année ?

Giac : J’ai dévoré les trois albums d’Agnes Obel ainsi que la BO du remake de Suspiria, composée par Thom Yorke.

Tepat : J’ai adoré le dernier morceau de Samaran – Allo sur Circa’99 avec un clip bien filoufoufou et le dernier morceau de Jerge, Povoa et Margaux – Primavera.

A. J’ai vu que vous aviez sorti un set d’une heure sur Soundcloud, Processing Tape 2020. Est-ce une réponse aux mesures sanitaires de cette année qui n’en finit pas ?

YM. C’est une année très spéciale en effet, et il faut s’adapter. Il y a toujours eu de la musique, quels que soient les événements contextuels, et donc toujours des musiciens qui se sont adaptés au contexte. C’est un peu l’enjeu en ce moment. Concernant la Processing Tape, on l’aurait de toutes façons sortie, Covid-19 ou pas, car on aime régulièrement partager nos coups de cœur sous cette forme.

A. Ma dernière question est notre signature chez Arty Magazine. Quelle est votre définition d’un artiste ?

YM. Intéressant. Là comme ça, un artiste nous semble d’abord quelqu’un qui n’a pas forcément conscience qu’il en est un. Il fait les choses, sans trop se poser de questions, muni de sa naïveté, mais dont le cerveau et le corps sont des filtres naturels de toutes les influences et les expériences qu’il absorbe. Il ose tout faire, tout expérimenter. Et lorsqu’il crée quelque chose, il n’a pas peur de le partager, car il n’en fait surtout pas une question d’ego. Sa création parlera à certains, pas à d’autres, ce qui compte c’est qu’avant ce processus il n’y avait rien ou presque, et qu’après, quelque chose existe.

Écoutez Altered States sur Spotify.

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