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L’interview Instagram de Molecule, le producteur aventurier

L’interview Instagram de Molecule, le producteur aventurier

Marin Woisard

À quelques jours de son concert immersif à la Gaîté Lyrique, on a parlé avec Molecule de son album -22,7° enregistré au Groenland. Une expérience unique confinant au métaphysique.

Romain de la Haye alias Molécule propose bien plus qu’une techno froide et puissante. En 2015, il prenait les voiles à travers l’Atlantique nord pour produire son LP 60°43 sur un chalutier. Pour son second album -22,7°, la création s’est faite dans le petit village de Tiniteqilaaq en immersion avec les Inuits. Loin de son studio du 18ème arrondissement, l’environnement hostile devient source d’inspiration, et son écoute une invitation à se reconnecter à l’essentiel.

Comme un poisson dans l’eau

Enregistrant le son sur le terrain, Molecule a arpenté la banquise avec ses micros ultra-sensibles. Face au silence assourdissant, chaque manifestation est amplifiée : le souffle du vent, les craquements de la glace, les aboiements des chiens de traîneaux… Pas besoin de tendre l’oreille, Romain nous restitue la nature dans un univers techno aussi contemplatif qu’oppressant, comme peut l’être sa solitude face aux éléments.

Les images de cette folle aventure ont été saisies par Vincent Bonnemazou avec le documentaire Behind -22.7°C, avant que le réalisateur Morgan Beringer ne s’en empare ensuite pour clip expérimental de Sila, fondant des effets glitchés avec le mouvement des icebergs, et par eux, la technologie avec la nature.

Après avoir signé une résidence au Rex Club, le producteur présentera son live immersif le 6 avril à la Gaîté Lyrique. À la fois actuel et singulier, en plein dans son époque et en retrait, quoi de mieux que le profil Instagram de Molécule pour cerner une carrière hors du commun ?

Marin : Voici ton premier post Instagram. Pourquoi cette photo pour inaugurer ton compte ?

Molecule : C’était un voyage que j’ai fait à New York au retour de mon expédition en Atlantique Nord. C’est l’arrière d’un chalutier dans le port de Montauk à Long Island, je commençais à teaser mon premier album 60°43.

M. : Sur ton compte, on retrouve l’eau sous toutes ses formes. Sous ce post, on retrouve 3 emojis en légende : 🎼🌊🎸…

M. : Je suis guitariste à la base, je trouvais le clin d’œil marrant. La mer a quelque chose de fascinant, de mouvant, avec l’inconnu en-dessous. La tempête et les vagues donnent un aspect psychanalytique par la confrontation avec quelque chose de plus fort que soi.

M. : L’eau toujours, cette fois sous forme de glace. Quel a été le déclic pour partir enregistrer ton album au Groenland ?

M. : Après mon expérience très bruyante sur le chalutier pour 60°43, j’ai cherché une destination pour travailler autour du silence. De fil en aiguille, ça m’a mené au Groenland et ces images monochromes de désert blanc. Je n’ai pas été déçu (rires).

M. : Et ici, te voici en plein travail…

M. : Ici, j’enregistre sur un iceberg. Je capte du rien, du silence, les pré-amps poussés à fond. J’ai un souffle énorme, et à travers ce souffle, il y a des choses qui se passent. Tous ces petits sons presque inaudibles qui arrivent à faire jaillir une musique, c’est la genèse de -22,7°.

M. : Le passage « carte postale » obligé, les aurores boréales…

M. : Je ne suis pas allé au Groenland pour les aurores boréales, mais j’avoue que j’ai pris une bonne claque. C’est un phénomène visuel très fort qui bouge sur des centaines de kilomètres. On n’entend rien. Les Inuits arrivent à percevoir des sons, mais mes micros n’ont rien capté.

M. : C’est une capture du clip de Sila, qui revisite l’imagerie du Groenland à travers des expérimentations visuelles. Quelle en était l’ambition ?

M. : Je vais dans ces lieux avec mon regard d’artiste, pour ramener un témoignage subjectif. Sur le bateau par exemple, j’avais le doux rêve de mettre en musique la tempête, mais cela reste ma vision de la tempête. Il n’y a pas une démarche objective ou scientifique, c’est un témoignage romantique de ces lieux-là. Sur le clip de Sila, on a confié les images au réalisateur américain Morgan Beringer qui fait un travail d’abstraction sur des image concrètes. Ça transmet bien le côté mystique du Groenland.

M. : On pense à Shining de Stanley Kubrick pour ton travail sur l’isolement au milieu du grand froid. Est-ce une source d’inspiration ?

M. : J’aime beaucoup l’image, le cinéma. Stanley Kubrick et Afred Hitchcock ne m’influencent pas directement, mais il font partie de mon univers, ces réalisateurs accordent une place très importante à la musique et à l’esthétique. J’aime les artistes qui ont une vision globale. D’ailleurs, dans ce sens, mon influence principale reste Pink Floyd, qui a établi des passerelles avec l’image et la musique électronique.

M. : Comment s’est passé le retour à la frénésie parisienne ambiante ?

M. : J’ai un rapport particulier au Rex Club. Je ne suis pas DJ, mais j’ai eu une résidence pour ma soirée immersive avec du son spatialisé. Partir dans ces contrées lointaines n’est pas une fuite, je suis attaché à mon monde, mes amis, ma famille. Il y a cette idée de retrouvailles après un long périple, de partir et revenir, comme un marin. Maintenant, c’est difficile pour moi d’envisager un nouvel album sans ce dogme artistique que je me suis imposé.

M. : Puis tu as lancé ta tournée avec une date à l’Élysée Montmartre. Quelle relation entretiens-tu à cette salle ?

M. : C’est la salle de mon adolescence, tous les concerts importants que j’ai vu étaient là. J’ai joué une première fois là-bas avant que la salle ne brûle (ndlr, en mars 2011) et pour la sortie de l’album, on réfléchissait à un lieu. Il s’est naturellement imposé. C’était absolument magique d’y jouer à guichet fermé.

M. : Si tu mariais la chaleur du public avec les océans, ta prochaine destination serait une île des Tropiques ?

M. : (rires) Il y a de l’idée. Je n’y ai pas encore réfléchi, je vais être en tournée toute la prochaine année, me consacrer au partage avec le public. Ce sont des instants où j’emmagasine beaucoup de force et de chaleur humaine, pour ensuite mieux partir et m’isoler. Mais ce que je peux dire, c’est que si je repars, ce sera dans un endroit plus chaud et plus sonore que le Groenland.

Retrouvez Molécule sur Instagram.

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