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Deux Moi : l’anti-comédie romantique de Cédric Klapisch

Deux Moi : l’anti-comédie romantique de Cédric Klapisch

Marin Woisard

Après l’escapade bourguignonne du touchant Ce qui nous lie, Cédric Klapisch garde ses nouveaux acteurs fétiches François Civil et Ana Girardot pour une immersion parisienne. Un film profondément juste et enlevé dans sa peinture de la solitude urbaine, mais qui reste limité par ses enjeux narratifs.

Le désir est le plus grand moteur du cinéma. Le désir des réalisateurs pour leurs acteurs, des spectateurs pour les réalisateurs, et par eux des spectateurs pour leurs acteurs. Qu’il soit inattendu, désiré ou tumultueux, il donne corps aux films. Et lorsqu’il s’agit d’une passion dévorante pour Paris, Cédric Klapisch retient toute notre attention. On a grandi avec ses films du Péril Jeune (1994) à Ma Part du gâteau (2011). En soufflant le chaud sur les courbes droites d’Haussmann, le réalisateur né à Neuilly ausculte notre ville depuis vingt-cinq ans avec la même ferveur. Deux Moi est prétexte à nous emmener dans les quartiers Nord, là où le rythme citadin est le plus fougueux. Bienvenue à La Chapelle entre deux lignes de chemin de fer.

Rémy et Mélanie sont deux trentenaires qui se croisent sans se connaître, leur destin inexorablement séparé par le mur mitoyen de leur immeuble. L’amour, eux, ils le cherchent toujours. Cédric Klapisch raconte la solitude des grandes villes, entre état dépressif et rendez-vous foireux. Sans le savoir, les deux personnages interprétés par Ana Girardot et François Civil ont tout en commun mais ne le partagent pas. Sous le regard bienveillant du réalisateur, les âmes sœurs traversent un monde impersonnel et son lot d’absurdités quotidiennes, où l’ultra-connexion ne fait qu’exacerber l’isolement de chacun. Alors que Cédric Klapisch n’a jamais autant aimé filmer le bouillonnement métropolitain, il s’attarde sur deux profils en état d’immobilisme avancé.

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Qu’il n’y ait pas erreur sur la marchandise, Cédric Klapisch désamorce nos solitudes contemporaines avec un humour tendre et jubilatoire. On se retrouve un sourire en coin dans les différentes situations : le rencard avec un beau gosse mutique, les retrouvailles d’anciens camarades de lycée (Pierre Niney, hilarant), les chassés-croisés à l’épicerie ou à la pharmacie du quartier. Même lorsque l’austérité d’un boulot déshumanisant pourrait plomber l’ambiance, la sensibilité de l’écriture sauve les personnages d’une robotisation imminente. Aux grandes tirades intellectuelles sur les maux de notre époque, Deux Moi privilégie la justesse d’un regard. Et doucement, le tempo de Paris redonne vie à ceux qui l’habitent.

Là où est aussi sa limite, le film n’arrive à transcender qu’en de rares occasions ces fragments de vie. Les destins parallèles de Rémy et Mélanie cloisonnent les enjeux narratifs, un peu trop sages, un peu trop prévisibles. On comprend où se rend Cédric Klapisch tambour battant. Sa crainte est que l’on devienne captifs des écrans, froids et immobiles comme les immeubles. Et si la danse des métros de la séquence d’ouverture trouve un écho sublime dans la séquence finale, Deux Moi ne parvient pas à faire le pas de côté que l’on désirait. En reste un beau film désireux de montrer le vrai Paris, sans le poncif niais d’un baiser sous la pluie (coucou Woody Allen). Plus que jamais, le moteur du cinéma de Cédric Klapisch est le ballet de la ville.

DEUX MOI

De Cédric Klapisch
Avec François Civil, Ana Girardot, François Berléand

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